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Le Samedi saint, l’homme n’a plus l’initiative.

Tant qu’il fait jour,
il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé ;
la nuit vient,
où nul ne peut travailler.
Tant que je suis dans le monde,
Je suis la lumière du monde.
(Jean 9, 4-5)

L’homme ne peut vraiment donner une réponse au don total de Jésus qu’après la Résurrection.

De Noël au Vendredi Saint, la liberté de l’homme commence déjà à être éveillée et sollicitée. L’homme, s’il cherche la vérité, est appelé à garder fidèlement tous ces évènements et à les méditer dans son cœur, il est appelé à suivre l’Agneau pour voir où il demeure, il est invité à le suivre jusqu’au pied de la Croix… Les paroles de Jésus, son regard, une guérison accordée, la résurrection d’un frère, d’un fils… tout ceci peut éveiller une immense espérance. Cela peut susciter des questions dans un cœur qui était anesthésié par l’indifférence et le vide. Cela peut susciter un cri vers Dieu. Mais même la guérison miraculeuse d’un proche n’est pas la réponse totale aux aspirations du cœur des hommes. Plus encore que ses miracles, c’est le regard de Jésus qui donnait les prémisses de la réponse à cette soif de sens, à l’absurdité de la souffrance. Mais même s’Il a pleuré avec son amie Marie de Béthanie et qu’Il a réssuscité Lazare, en signe de sa propre Résurrection, Il faut encore que Jésus traverse son Heure pour que Marie de Béthanie, soit vraiment consolée.

Le jour du Samedi saint, « nul ne peut travailler 1 ». Ce qui a été semé a été semé. Les cris qui ont été poussés ont été poussés. Les demandes qui ont été présentées ont été présentées. Les questions qui ont été posées ont été posées, durant les « douze heures du jours où on peut marcher sans buter2 ». Et les réponses ont déjà été accordées, le Christ a déjà vaincu le monde et été glorifié, le Christ a déjà été élevé de terre pour attirer à Lui tous les hommes. Pourtant, l’espérance éveillée est aujourd’hui déçue. Et ceux qui essaient encore de « marcher en la nuit, butent, parce que la lumière n’est pas en eux3 », car « la lumière est venue dans le monde et le monde ne l’a pas reconnu4 ». Mais « la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie5. »

Notre monde semble entré, à notre époque, dans un grand Samedi saint. Aux yeux de beaucoup, Dieu est mort, et ceux dont l’espérance a été un instant éveillée, ont été déçus. Est-ce de la mauvaise volonté de la part de ceux qui ont reçu des signes et qui aujourd’hui nient par orgueil avoir jamais connu Jésus ? Mais peut-être que le retour de ceux qui trahissent aujourd’hui est déjà accordé6, comme celui de Pierre, en raison des réponses qu’ils ont données au cours des douze heures de jour. Il ne nous est pas demandé de juger de qui, parmi ceux qui fuient en ces ténèbres épaisses, a réellement ou non vendu Jésus. Car dans les ténèbres où Dieu est absent, la fuite de l’homme est presque légitime. « Dieu est mort, pourquoi croirai-je en lui s’Il ne se manifeste pas à moi ? Les miracles que peut-être Il a fait pour moi ou pour d’autres hier ne suffisent pas à donner sens à ma vie aujourd’hui. Mon cœur est plein de dégoût. » Dieu nous a aimés le premier et s’est manifesté à nous. Si Dieu est silencieux dans la vie de certains, de beaucoup, il ne nous appartient pas de juger. Peut-être ceux-ci qui nient un Dieu qui se tait sont-ils plus fidèles que s’ils se fabriquaient un dieu leur donnant une réponse à leur mesure.

Tombes

Que pouvons-nous faire alors pour traverser ce Samedi saint ? Devons-nous proclamer, pleins d’allégresse, la Résurrection, à ceux qui viennent de voir mettre au tombeau Celui qui avait peut-être éveillé un espoir en eux ? Comment vivre ce mystère du Samedi saint ?

Que faisait la Vierge Marie le Samedi saint ? En tout cas, elle ne parcourait pas les villes d’Israël en proclamant que son Fils allait ressusciter le lendemain, elle ne faisait pas la morale aux apôtres et elle ne les regardait pas d’un air ironique. Certes elle portait, seule pour le monde, la lumière de la foi. Surtout, elle portait dans son cœur la plaie du glaive qui l’avait transpercée. La plaie de son cœur uni à l’immolation du Christ, la plaie de son cœur transpercé par le vide des hommes qui ont transpercé son Fils, la plaie de son cœur uni à la détresse et la souffrance des apôtre qui n’ont pas compris, uni à la détresse de tous ces petits dont le cœur ouvert n’est pas consolé… Elle seule était présente, et elle portait cette Présence, matériellement ou spirituellement, à tous ceux qui devaient traverser les ténèbres les plus épaisses que le monde ait jamais connu. Peut-être que sans sa présence, d’autres que Judas se seraient suicidés…

Nous pouvons nous unir à l’attitude de Marie. D’abord, bannir de notre cœur toute amertume et tout jugement – mendier de Dieu cette grâce. Et tenir bon, en silence, auprès de ceux qui traversent ce désert de sens. Leur être pleinement présent, à eux, dans leur situation concrète, dans ce qu’ils sont, dans les choix de mort qu’ils font, et leur sourire, non d’un sourire qui leur soit extérieur, mais d’un sourire sans naïveté qui soit le fruit de ce transpercement du cœur, et qui puisse établir une communion.

Voir aussi : Optimisme ou espérance ?

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Notes

1. « Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé ; la nuit vient, où nul ne peut travailler. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Jn 9, 4-5.

2. Jn 11, 9b.

3. Jn 11, 10.

4. Jn 1, 9-10 et Jn 3, 19.

5. Jn 1, 5.

6. Cf. Lc 22, 32.