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Pattaya en Thaïlande : un paradis pour qui ?

Temps de lecture estimé : 4 min

Thaïlandaise de 60 ans avec un client régulier

La situation de Pattaya est unique historiquement. Cette ville touristique s’est développée à la suite de la guerre du Vietnam pendant laquelle elle répondait aux « besoins » de « détente » des soldats américains. Aujourd’hui, cette ville a pour raison d’être la « détente » des touristes américains, européens, japonais et coréen.

La ville est donc entièrement organisée pour le fonctionnement de la prostitution, sous différentes formes. Pour ma part, je n’ai eu l’occasion de connaître que les formes tolérées de prostitution d’adultes « consentant(e)s », mais je sais qu’il existe aussi des réseaux de prostitution forcée d’adultes et d’enfants. Cette prostitution forcée existe malheureusement dans toute la Thaïlande. Ce qui fait la particularité de Pattaya, c’est au contraire l’ambiguïté des relations des touristes et expatriés avec les prostitué(e)s « consentant(e)s », qui comprend, contrairement à ce qui existe dans la prostitution occidentale, la possibilité d’évoluer ou de se déguiser en histoire d’amour…

Je n’ai pas eu non plus beaucoup de contact avec les prostitués masculins (dont la majorité ne sont pas homosexuels, mais simplement en quête d’argent), mais je commence à bien connaître la situation des femmes de Pattaya. 95 % d’entre elles viennent de la région de l’Isan, le Nord-Est de la Thaïlande, région caractérisée à la fois par sa pauvreté, et par la couleur plus sombre de la peau de ses habitants. Ces deux raisons expliquent l’arrivée de ces femmes à Pattaya où, du fait de la clientèle occidentale, elles ont beaucoup plus de succès avec leur peau sombre qu’auprès des Asiatiques, qui aiment les peaux claires… Une de mes amies, une jeune femme particulièrement belle travaillant dans un salon de massage, me disait : « Dans mon enfance, je n’avais pas d’amis, tout le monde me rejetait à cause de la couleur sombre de ma peau. Depuis que je travaille à Pattaya, j’ai énormément d’‘‘amis’’, parmi les touristes… »

La confusion entre amitié, amour et prostitution se retrouve aussi bien chez les femmes thaïes que chez leurs soupirants. Contrairement à tout ce que j’ai lu sur le sujet écrit par des Occidentaux, s’il est vrai que beaucoup de femmes manipulent le sentiment amoureux qu’elles suscitent chez leurs clients pour en obtenir davantage d’argent, j’en ai aussi rencontré beaucoup qui espèrent avant tout rencontrer le prince charmant, qui désirent se donner entièrement à l’homme qui les choisira, et qui croient naïvement que les hommes venant à Pattaya sont des touristes européens ordinaires. La galanterie de ces touristes européens suffit parfois à les remplir d’illusions, et beaucoup ont une estime démesurée envers les hommes occidentaux, après avoir été tellement blessées et déçues par les hommes thaïs. Beaucoup se retrouvent alors le cœur terriblement brisé par un homme n’ayant jamais eu l’intention de s’engager. Il arrive aussi de temps en temps que des hommes occidentaux venus au départ dans un but de consommation, ou même dans un but romantique, soient vraiment touchés par une de ces femmes et veuillent se donner à elle en l’aimant sincèrement, parfois pour leur bonheur, parfois pour leur malheur…

À l’origine de la venue des femmes à Pattaya, il y a généralement une blessure de l’amour : presque toutes les femmes que j’ai rencontrées ont aboutit ici après avoir été abandonnées par leur mari ou par leur premier amant, juste après la naissance du premier, ou du deuxième enfant, parfois au cours même leur première grossesse.

L’immense majorité des femmes étant dans cette situation se trouvent aussi séparées de leur(s) enfant(s), qu’elles ont confié(s) à la garde des grands-parents maternels. Ces enfants finissent presque toujours par croire que leurs grands-parents sont leurs vrais parents, tandis que la mère d’origine, qu’ils croient être leur grande sœur, est envoyée à long terme en mission spéciale…

L’obligation morale impérative de ces mères d’envoyer de l’argent à leurs parents et enfants est socialement reconnue par tous. Une femme avec parents et enfant à charge qui ne se résoudrait pas à se prostituer — si elle ne trouve pas d’autre moyen de gagner beaucoup rapidement — sera considérée comme paresseuse… Et celles — il y en a beaucoup, surtout quand elles prennent de l’âge — qui ne gagnent qu’assez pour survivre elles-mêmes et n’envoient pas d’argent à leur famille, en sont en quelque sorte bannies.
Elles sont obligées de renoncer à rendre visite à leur famille, plutôt que de s’y rendre sans argent et sans cadeaux… Ne parlons pas d’y trouver refuge si elles souhaitent arrêter la prostitution ! La blessure affective de ces femmes n’est pas seulement au niveau du couple thaï, mais aussi de la relation parents-enfants, car l’enfant est souvent considéré comme un simple investissement à long terme, et complètement instrumentalisé…

Alors, certaines de ces femmes qui ont tout perdu et qui ont aboutit ici sans plus d’autre sens à leur vie que de gagner de l’argent à envoyer à ceux qui soi-disant les aiment, instrumentalisent à leur tour les hommes venus les acheter, et considèrent jusqu’au mariage comme une simple prestation contre rémunération, en vue d’acheter à leur tour l’amour de leurs parents…

C’est de ces femmes que j’entends dire qu’elles sont libres, heureuses, riches et satisfaites, qu’elles se prostituent parce qu’elles le veulent bien, pour s’acheter de belles chaussures. Mais elles ont perdu tout ce qui comptait pour elles, il ne leur reste plus que ces chaussures.

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  1. Elisabeth Ducros

    Pattaya: un paradis pour qui?
    Cet éclairage sur les prostituées de Pattaya est intéressant, car il rappelle un contexte historique que tout le monde ne connaît pas forcément; il donne une analyse approfondie de la situation de ces prostituées.Leurs relations familiales avec parents et enfants ne sont sans doute pas connues des touristes qui viennent juste chercher du plaisir à Pattaya.Ne faudrait-il pas ajouter aussi que le mode d’éducation thaï inclut l’initiation des jeunes gens chez les prostituées? De tradition, c’est le père qui emmène son fils faire connaissance des “bordels”… Pattaya est-elle fréquentée que par les touristes?

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