Le Père Montini futur Paul VITemps de lecture estimé : 4 min 30

Le pape Paul VI, canonisé le 14 octobre 2018, est allé rejoindre les demeures éternelles il y a 40 ans.

Les années 60-70, pendant lesquelles il était pape, ont été, tout comme la période d’aujourd’hui, un temps de grande tempête pour l’Église catholique.
C’est pourquoi il est pour nous un exemple de fidélité.

C’était un homme extrêmement sensible qui a très douloureusement ressenti les attaques violentes portées contre l’Église dans cette période, spécialement celles portées par certains de ses membres. Nous devons nous en souvenir pour plusieurs actions.

Il a dû aller à contre-courant, dans et hors de l’Église, sur de nombreux sujets, c’est pourquoi nous pouvons le prier quand nous avons l’impression de résister contre toute espérance dans notre amour de l’Église.

I. La clôture du Concile et sa mise en application

Le Concile Vatican II se déroula entre 1962 et 1965. Paul VI devenu pape en 1963 en supporta la plus lourde charge.

Le concile Vatican II en session
Une session du concile Vatican II

Il fit face à une opposition tant de ceux que l’on classe habituellement comme très conservateurs que de très progressistes, tant prêtres que laïcs. De 1965 à 1978, pendant 13 ans, il travailla sans relâche à la réception de l’enseignement et à la mise en pratique des directives de ce Concile si riche.

II. La question liturgique

La pertinence de la réforme liturgique ne fut pas reçue par tous. Certains se livrèrent à des excès, d’autres refusèrent en bloc tout changement ou presque.

Des maladresses furent commises mais Paul VI tint bon, et la nouvelle liturgie, reprenant et enrichissant des siècles de pratique, fut mise en application sans grand problème dans la majeure partie du monde.

III. La vie humaine, familiale et la sexualité

Complètement à contre-courant, l’encyclique Humanae Vitæ (1968) fut globalement incomprise en Occident. En avance sur son temps, Paul VI a bien vu l’énorme enjeu et le basculement en cours sur ces questions.

50 ans plus tard, chacun peut constater combien il est difficile aujourd’hui d’être fidèle à l’enseignement de Jésus sur ces questions, combien nous avons besoin des encouragements des papes, évêques, prêtres et de tous ceux qui ont une autorité dans ce domaine.

Paul VI et Mgr Wojtyła le futur Jean-Paul IIIV. Réjouissez-vous dans le Seigneur

L’exhortation Gaudete in Domino (1975) est un texte qui montre à quel point le pape Paul VI était capable, dans une situation très éprouvante, de vivre et d’indiquer la vraie joie aux chrétiens souvent tentés par le découragement, car chacun pouvait constater douloureusement que les églises se vidaient et que beaucoup de prêtres quittaient le ministère.

Se réjouir dans le Seigneur dans une période aussi terrible était vraiment une belle manière de mettre en pratique le commandement de Jésus : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. » (Matthieu 5, 11-12). Combien Paul VI a-t-il vécu cette béatitude !

V. Le célibat des prêtres

Elle aussi à contre-courant, l’encyclique Sacerdotalis Cælibatus (1967), passée pratiquement inaperçue deux ans après le Concile, était pourtant totalement prophétique puisque dans la décennie qui a suivi, en Occident, un nombre effroyable de prêtres ont quitté le ministère. En France, j’ai entendu plusieurs prêtres donner la même proportion : un prêtre sur trois.

Cette encyclique, dans le contexte actuelle, mériterait déjà qu’on connaisse son existence. En effet, on y verrait que le célibat des prêtres est défendu en toute connaissance des problèmes qu’il soulève, et avec une grande lucidité sur la difficulté de sa mise en œuvre. Paul VI, en effet, ne s’est pas contenté de reconnaître ces problèmes, il aussi et surtout donné le sens spirituel profond du célibat des prêtres.

Là encore, Paul VI ne s’est pas dérobé face à la crise du sacerdoce qui avait commencé depuis la fin des années 1950, et a voulu y répondre de manière claire, avec l’autorité de la charge qui lui était confiée. Nous pouvons le remercier pour cela.

VI. L’évangélisation dans le monde moderne

L’exhortation Evangelii Nuntiandi (1975) est encore un texte à contre-courant. C’est un appel incroyablement pressant à l’évangélisation, à un moment où de nombreux catholiques, prêtres et laïcs, estimaient que le temps de l’évangélisation explicite était terminée, et même qu’elle devenait scandaleuse, car forçant les consciences à recevoir un enseignement étranger à leur mentalité ou leur culture. C’est surtout l’idée du « levain dans la pâte » qui était dominante, idée selon laquelle seule la présence aimante des chrétiens était nécessaire, sans aucun témoignage par la parole.

Paul VI ne nie pas du tout la pertinence de cette attitude, mais encourage les fidèles à l’évangélisation sous toutes ses formes, et même avec de nouvelles formes puisque le monde connaît des transformations inédites.

Le titre est d’ailleurs : L’évangélisation dans le monde moderne. Voici une parole indélébile, brûlante, pour tous les baptisés : « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser. »
Si chaque chrétien est à sa manière le visage de l’Église pour ceux qui le voient, alors chaque chrétien est un évangélisateur, c’est son identité la plus profonde. Quel appel pour nous ! Quel défi !

VII. L’attentat de 1970Paul VI en avion

Pour montrer la violence des oppositions auxquelles il a dû faire face, rappelons que Paul VI a devancé Jean-Paul II dans le témoignage du sang, puisqu’il fut victime d’un attentat, à l’aéroport de Manille (Philippines), recevant deux coups de couteau à la gorge. Notons au passage qu’il fut le premier pape à se rendre sur quatre continents différents, en pélerin de paix. 

Pour conclure

L’amour de l’Église de Paul VI fut indéfectible. Il a vécu lui-même ce qu’il a dit de sainte Catherine de Sienne à l’audience générale du 30 avril 1969 : « Catherine n’aime pas l’Eglise pour les mérites humains de qui lui appartient ou la représente. Si on pense aux conditions dans lesquelles se trouvait l’Église alors, on comprend bien que son amour avait bien d’autres motifs; et on le déduit du langage libre et franc avec lequel Catherine dénonce les plaies de l’organisation ecclésiastique de cette époque en invoquant la réforme. Sainte Catherine ne cache pas les fautes des hommes d’Eglise, mais tout en s’élevant contre cette décadence, elle la considère comme une raison supplémentaire et une nécessité d’aimer davantage. »

On peut dire sans se tromper que Paul VI est finalement un pape méconnu, souvent réduit, pour le critiquer, à quelques-uns de ses textes et actions. Ce fut pourtant un pape des tempêtes. Il fait partie de ces nombreux papes qui ont eu à tenir fermement le gouvernail de l’Église contre vents et marées. C’est pourquoi il est si important de contempler sa vie et de le prier lorsque rien ne va plus dans nos vies.

Je laisse pour finir la parole au pape François lors de la messe de canonisation de Paul VI :

« Paul VI, y compris dans la difficulté et au milieu des incompréhensions, a témoigné de manière passionnée de la beauté et de la joie de suivre Jésus totalement. Aujourd’hui, il nous exhorte encore, avec le Concile dont il a été le sage timonier, à vivre notre vocation commune : la vocation universelle à la sainteté. Non pas aux demi-mesures, mais à la sainteté. »

Voir aussi : 
Abus sexuels : une grande crise de plus au cours de 2000 ans d’histoire de l’Église
Le Magistère de l’Église catholique et les régimes politiques

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