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L’homme et la femme dans l’Église catholique : rivaux, dominants-dominés ou témoins de l’unité ?

Temps de lecture estimé : 12 min

Le 18 mars dernier, une personne anonyme a posté une « Révolte » sur notre site : « Pourquoi est-ce que certains curés refusent de prendre des filles comme enfant de chœur ? – Je ne comprends pas. »

J’ai essayé d’exprimer mon point de vue, que je crois être conforme aux textes officiels de l’Église catholique, et je ne m’attendais pas à une telle charge émotionnelle dans les commentaires qui ont suivi, ni à des jugements aussi violents envers ma personne, de la part d’autres catholiques pratiquants.

Même s’il n’est jamais agréable de subir de durs jugements — je n’ai pas publié les commentaires les plus violents — je trouve que ce débat est en lui-même très intéressant et révélateur.

Homme et femme Il les créa : les conséquences du péché originel

Dieu reproche à Adem et Ève d'avoir mangé le fruit défendu - Peinture de Meister Bertram von Minden, 1375-1383

Au commencement Dieu créa l’homme et la femme, à son image, à partir d’une seule chair, faits pour la communion. Le récit biblique de la création est un poème à ne pas prendre au pied de la lettre, mais il nous explique ce qui s’est passé spirituellement dans la relation entre les humains et Dieu.

Quel a été le premier effet de la rupture de l’être humain avec Dieu ? La perte de la communion entre l’homme et la femme, la transformation de l’homme, fait pour être époux à l’image du Christ, en maître dominateur de sa femme.

Cet évènement originel nous révèle que la relation entre l’homme et la femme est au cœur des enjeux de l’histoire du monde et de l’Église. Cette brisure originelle étant la brisure fondamentale, il est normal qu’il faille toute l’histoire de l’Église pour cheminer vers une compréhension et une mise en pratique juste de ce que doivent être les rapports entre l’homme et la femme, et la place de chacun dans l’Église.

La domination de l’homme sur sa femme étant la principale conséquence néfaste de la rupture avec Dieu (le reste des conséquences annoncées : travail dans la peine, accouchement dans la douleur, étant très éprouvant mais seulement matériel), quoi de plus normal que de voir encore aujourd’hui des conflits, des souffrances et des tensions au sein même de l’Église quand on parle de leurs rapports mutuels.

En Thaïlande, la traduction de la Bible par l’Église catholique a commencé il y a moins d’un siècle, et le travail n’est pas terminé. Quand il a fallu traduire le mot « Seigneur » (pour désigner Jésus), le mot adopté fut d’abord « Pra Sawami », venant du mot sanscrit « Swami », qui signifie « Seigneur ». Quelques années plus tard, des religieuses ont fait pression pour que l’on change pour « Pra Tjaw », qui veut dire « Maître ». Le problème était que le mot « Sawami » était trop proche du mot « Saami », qui veut dire « époux » (même étymologie sanscrite, « Seigneur »…). Il était inacceptable que l’on désigne Jésus par un mot proche d’« époux ». Les époux thaïlandais étant, pour beaucoup d’entre eux, cause de tellement de souffrances pour leurs femmes…

Alors, il est bien compréhensible que certains catholiques vivent mal que le sacerdoce soit réservé aux hommes, et vivent plus mal encore l’exclusion des filles du service de l’autel comme enfants de chœur. Surtout lorsque ces règles ne sont pas expliquées, ou bien expliquées avec de faux arguments, en encore expliquées par des personnes qui ont un certain mépris envers les femmes.

Malgré les énormes progrès dans le respect de la dignité de la femme au sein de l’Église, un certain nombre de catholiques gardent la volonté de lui réserver la dernière place, souvent en magnifiant son rôle de mère (qui mérite effectivement d’être magnifié !), en la reléguant au seul service des couches et des biberons. Moi-même j’ai souffert à de nombreuses reprises du refus de chrétiens, hommes et femmes, d’accepter qu’une femme puisse être une intellectuelle, et puisse s’exprimer sur les sujets importants.

Bien entendu, ces petites souffrances ne sont rien lorsque l’on regarde l’histoire du statut de la femme dans l’Église, statut pourtant bien enviable par rapport à celui que la femme a eu et a toujours dans d’autres cultures (Inde, Proche Orient…).

Dans la lettre apostolique Mulieris Dignitatem du 15 août 1988, Jean-Paul II nous donne quelques éclairages fondamentaux sur ce sujet :

Quand donc nous lisons dans la description biblique les paroles adressées à la femme: « Le désir te portera vers ton mari, et lui dominera sur toi » (Gn 3, 16), nous découvrons une rupture et une menace constante affectant précisément cette « unité des deux » qui correspond à la dignité de l’image et de la ressemblance de Dieu en chacun d’eux. Mais cette menace apparaît plus grave pour la femme. En effet, dans une existence qui est un don désintéressé et qui va jusqu’à vivre « pour » l’autre s’introduit le fait de la domination : « Lui dominera sur toi ». Cette « domination » désigne la perturbation et la perte de stabilité de l’égalité fondamentale que possèdent l’homme et la femme dans l’« unité des deux », et cela surtout au détriment de la femme, alors que seule l’égalité qui résulte de la dignité des deux en tant que personnes peut donner aux rapports réciproques le caractère d’une authentique « communio personarum ». Si la violation de cette égalité, qui est à la fois un don et un droit venant de Dieu Créateur lui-même, comporte un élément défavorable à la femme, par le fait même elle diminue aussi la vraie dignité de l’homme.

L’union matrimoniale exige que soit respectée et perfectionnée la vraie personnalité des deux époux. La femme ne peut devenir un « objet » de « domination » et de « possession » de l’homme.

C’est pourquoi même la juste opposition de la femme face à ce qu’expriment les paroles bibliques « lui dominera sur toi » (Gn 3, 16) ne peut sous aucun prétexte conduire à « masculiniser » les femmes. La femme ne peut — au nom de sa libération de la « domination » de l’homme — tendre à s’approprier les caractéristiques masculines, au détriment de sa propre « originalité » féminine. Il existe une crainte fondée qu’en agissant ainsi la femme ne « s’épanouira » pas mais pourrait au contraire déformer et perdre ce qui constitue sa richesse essentielle. Il s’agit d’une richesse énorme. Dans la description biblique, l’exclamation du premier homme à la vue de la femme créée est une exclamation d’admiration et d’enchantement, qui a traversé toute l’histoire de l’homme sur la terre. Les ressources personnelles de la féminité ne sont certes pas moindres que celles de la masculinité, mais elles sont seulement différentes. La femme — comme l’homme aussi, du reste — doit donc envisager son épanouissement personnel, sa dignité et sa vocation, en fonction de ces ressources, selon la richesse de la féminité qu’elle a reçue le jour de la création et dont elle hérite comme une expression de l’« image et ressemblance de Dieu » qui lui est particulière. Ce n’est que dans ce sens que peut être surmonté aussi l’héritage du péché qui est suggéré par les paroles de la Bible : « Le désir te portera vers ton mari, et lui dominera sur toi ». Dépasser ce mauvais héritage est, de génération en génération, un devoir pour tout être humain, homme ou femme. En effet, dans tous les cas où l’homme est responsable de ce qui offense la dignité personnelle et la vocation de la femme, il agit contre sa propre dignité personnelle et contre sa vocation.

Plus loin dans ce texte, Jean-Paul II explique aussi comment le « Que les femmes soient soumises à leurs maris » de saint Paul (Ep 5, 22) ne peut être interprété séparément du « Soyez soumis les uns aux autres » qui précède (Ep 5, 21).

Mais, tandis que dans la relation Christ-Église, la seule soumission est celle de l’Église, dans la relation mari-femme, la « soumission » n’est pas unilatérale, mais bien réciproque !

La relation entre hommes et femmes est blessée à un tel degré, et avec une histoire si lourde, qu’il devient très difficile pour les femmes d’accepter même la juste dépendance mutuelle, et d’accueillir pleinement l’autre dans une relation nuptiale. La tentation est d’arracher le bon grain avec l’ivraie, et de maudire tous les traits masculins de l’homme, ou de rejeter la féminité en même temps que la domination qui a pu s’exercer à cause de la faiblesse physique de la femme. La domination s’inverse aussi parfois, certains hommes étant d’autant plus écrasés qu’ils ne veulent pas utiliser leur force physique contre leur femme, et ne savent pas s’affirmer autrement.
Le don de Dieu : la femme pour l’homme et l’homme pour la femme

Toutes les relations homme-femme, et pas uniquement les relations amoureuses, sont marquées par la complémentarité des sexes faits pour la communion. Un travail en commun, une amitié saine peuvent être aussi l’occasion d’expérimenter la beauté de la communion pour laquelle Dieu à donné l’homme et la femme l’un à l’autre. Donner la femme à l’homme et l’homme à la femme, le premier cadeau que Dieu nous a fait après celui de la vie.

Mais les blessures rendent difficile l’accueil de la façon dont Dieu veut nous donner l’un à l’autre.

Toujours dans Mulieris Dignitatem, Jean-Paul II donne la seule explication au fait que les femmes ne soient pas admises au sacerdoce, qui ne soit pas humiliante pour les femmes.

Il explique que si Jésus a confié le sacerdoce à ses apôtres et non à des femmes, c’est pour « exprimer la relation entre l’homme et la femme, entre ce qui est ‘‘féminin’’ et ce qui est ‘‘masculin’’, voulue par Dieu tant dans le mystère de la Création que dans celui de la Rédemption. » Dans l’Eucharistie se manifeste l’acte rédempteur du Christ-Époux et sa relation envers l’Épouse.

Le Christ est l’Époux de l’Église, comme Rédempteur du monde. L’Eucharistie est le sacrement de notre Rédemption. C’est le sacrement de l’Époux, de l’Épouse. L’Eucharistie rend présent et réalise à nouveau sacramentellement l’acte rédempteur du Christ qui « crée » l’Église, son corps. À ce « corps », le Christ est uni comme l’époux à l’épouse. Tout cela est dit dans la Lettre aux Ephésiens. Dans le « grand mystère » du Christ et de l’Église se trouve introduite l’éternelle « unité des deux » constituée dès le « commencement » entre l’homme et la femme.

Si la Bible parle du Christ comme de l’Époux, et de l’Église comme de l’Épouse, c’est qu’il y a réellement une ressemblance entre la relation entre le Christ et l’Église, et la relation entre l’homme et la femme. Ceci est très mystérieux — saint Paul le dit : « Ce mystère est grand ». Nous ne pourrons pleinement comprendre de quelle manière l’homme et la femme sont appelés à s’aimer que lorsque nous aurons entièrement compris le mystère du Christ et de la Rédemption… Rappelons que notre intelligence a une limite, tandis que le Christ est infini.

Donc refuser, pour la femme, d’accepter que l’homme seul soit le prêtre qui lui donne l’Eucharistie, ce n’est pas chercher à obtenir la reconnaissance légitime de sa dignité, c’est refuser le don que Dieu veut lui faire en lui offrant l’homme dans sa complémentarité avec elle.

Certains en concluront hâtivement que je veux que la femme soit complémentaire de l’homme en faisant le ménage de l’Église tandis que lui est appelé au sacerdoce… Je répondrai en citant Jean-Paul II : « La femme — comme l’homme aussi, du reste — doit donc envisager son épanouissement personnel, sa dignité et sa vocation, en fonction de ces ressources, selon la richesse de la féminité qu’elle a reçue le jour de la création et dont elle hérite comme une expression de l’‘‘image et ressemblance de Dieu’’ qui lui est particulière. »

La grâce de la femme qui exprime l’image et la ressemblance de Dieu infiniment bon, infiniment beau, infiniment intelligent, infiniment sage et infiniment miséricordieux ne se résume certainement pas aux tâches ménagères ! Mais tant qu’une femme enviera les caractéristiques et la mission de l’homme, elle ne pourra pas accueillir et découvrir toutes les choses précieuses, infiniment belles et bonnes, que Dieu à déposées en elle, pour l’appeler à une mission qui ne pourra que la rendre heureuse en la rendant davantage elle-même, selon sa personnalité particulière de femme particulière et unique.

La question des filles enfants de chœur rejoint celle du sacerdoce des femmes. Ce n’est pas exactement la même chose, sinon l’Église exclurait entièrement la possibilité pour des filles de servir la messe. Mais le rôle de l’enfant de chœur est symboliquement très proche de celui du prêtre. Cela a donc un sens de vouloir réserver ce rôle aux garçons. Un sens qui est en rapport avec le cadeau que Dieu a voulu nous faire en donnant la femme à l’homme et l’homme à la femme.

Rivalité ou unité dans la complémentarité ?

En commentaire de la « Révolte » qui est à l’origine de cet article, j’ai écrit que c’était aussi un acte de charité de la part des filles d’accepter de laisser la place aux garçons pour servir la messe, car il est fréquent que la présence de fille comme servantes d’autel fasse fuir les garçons, à cause de la difficulté qu’ont souvent les enfants et les adolescents à avoir une œuvre commune. C’est cette invitation à la charité qui a provoqué les réactions les plus violentes.

La Conférence des Baptisés de France, qui promeut des débats entre baptisés, a invité les habitués de sa page Facebook à prendre part à ce débat. Voici deux exemples de réactions :

Cela fait peur de lire des propos comme ça : https://www.annoncescatho.com/comment/1304#comment-1304
Je croyais que ça appartenait au XIXe siècle ou aux talibans, ce genre de propos

Mais certains commentaires sont si durs, si méchants que j’en ai été blessée, surtout le commentaire de la modératrice cat. Quel mal de tels commentaires peuvent faire aux jeunes filles qui pourraient aller sur ce site, je n’ose l’imaginer.

Vous pourrez lire d’autres réactions du même ordre sur notre site :

Je ne voudrais pas être désagréable, mais qu’une femme puisse avoir de telles remarques me dépasse. Je vous assure qu’on lirait rarement cela de la part d’un homme.
Pourquoi serait-il charité de laisser sa place ?
Madame dois-je laisser ma place dans cette Église que j’aime parce que je ne vous comprends pas et que vous me révoltez, dois-je vous laisser la place par charité ? Ou bien me la laisserez-vous SVP ? N’y aurait-il pas assez de place pour tout le monde. Et j’insiste sur le fait qu’une véritable charité est de faire comprendre aux garçons que l’autel n’est pas leur propriété, que l’autel est partagé et qu’il appartient au Seigneur ?

J’avoue avoir été surprise qu’un appel à la charité et à la compassion suscite un tel scandale parmi les catholiques. Pour moi, c’est en lien avec la difficulté à découvrir la vraie beauté et la vraie mission de la femme, celle-ci ayant si longtemps été étouffée par la violence, la domination et le mépris, et par contrecoups, elle est étouffée aujourd’hui par une forme de rivalité avec les hommes.

Demander aux jeunes filles d’aider les garçons à accueillir et découvrir leur place dans l’Église et leur identité d’homme dans le dessein de Dieu, est-ce donc si humiliant pour les filles ? Les garçons aussi sont appelés à manifester un très grand respect envers les filles, à les mettre en valeur, à leur donner la place pour qu’elles puissent s’exprimer et devenir vraiment elles-mêmes, à s’effacer devant elles quand c’est nécessaire pour qu’elles puissent s’épanouir.

Si un si grand nombre d’hommes et de femmes ayant lu mes commentaires en ont déduit que je pensais que les femmes étaient impures ou des suppôts du diable, que je pensais qu’elles devaient être uniquement les bonnes à tout faire, les subordonnées des hommes et s’humilier devant eux… Cela semble montrer que ces personnes n’ont pas une très haute idée des filles, s’il ne reste plus rien de leur dignité une fois qu’elles ne sont plus enfant de chœur !

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  1. Evangéline

    Je ne rajouterai rien de plus

    Je ne rajouterai rien de plus, très beau commentaire. Merci Catherine, de remettre la femme à sa place ainsi que l’homme. Et que l’homme et la femme soient remis à leur place, je ne vois rien d’humiliant. Moi, je suis fière d’être une femme et j’ai envie de rester là où je dois être, car le Seigneur a fait que je sois une femme et non un homme et je ne me verrais pas faire le métier d’un homme et prendre la place d’un homme dans notre chère Eglise. Et pour l’homme je pense de même. Gardons nos rôles ! Et je voulais dire aussi en tant que femme, je me sens LIBRE et non soumise.

  2. Cat-modératrice

    Merci Evelyne.

    Merci Evelyne.

    J’aimerais bien savoir ce que pense de ce sujet une agnostique ouverte comme Charlotte.

  3. Cat-modératrice

    La peur que la femme puisse

    La peur que la femme puisse être reléguée à des activités managères va de plus en plus jusqu’à vouloir empêcher les femmes qui le souhaitent de choisir les rôles traditionnellement attribués aux femmes. À l’inverse, les lois sur la parité veulent obliger les femmes à choisir en même nombre que les hommes les carrières qui étaient autrefois réservées aux hommes (je précise que, comme Jean-Paul II, je trouve qu’il est bon qu’il y ait des femmes engagées en politique, mais les lois pour la parité sont ridicules).

    Y a-t-il vraiment des mamans qui, alors qu’elles travaillent, souffrent de pouvoir prendre des RTT pour passer juste le mercredi avec leurs enfants ? L’égalité, c’est que le papa et la maman puissent enfin tous les deux vivre comme s’ils n’avaient pas d’enfant ? À moins que cette pub se plaigne que le papa ne puisse pas lui aussi profiter de ses enfants le mercredi ?

    Les lobbies féministe ne cessent de veiller à ce que les allocations pour la garde des enfants soient données uniquement aux femmes qui travaillent et confient leurs enfants. Elles s’opposent à ce qu’il y ait le choix et qu’une allocation équivalente soit versée aux femmes qui choisissent de rester à la maison et de garder elles-mêmes leurs enfants si elles le souhaitent. Cela coûterait moins cher à l’État, mais le risque serait qu’il y ait des femmes qui ne comprennent pas que leur bien est de travailler et non d’élever leurs enfants. Heureusement que ces lobbies sont là pour protéger les femmes d’elles-mêmes.

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