Que s’est-il passé ce 14 juillet 2016 dans le massif du Semnoz, à proximité d’Annecy en Haute-Savoie? Étant en vacances à l’Abbaye de Tamié, près d’Albertville, j’en ai profité pour me rendre au Semnoz sur les lieux d’un accident de chasse qui a coûté la vie à un père de famille de 43 ans, Gaël Lavy, le 5 décembre 2015. Six mois après, le temps a effacé toutes les traces de cet accident. Il n’y a pas de monument commémoratif à cet endroit. Mais le fait de savoir qu’il y a eu mort d’homme à cause d’une méprise, c’est poignant.

Je suis titulaire du permis de chasser depuis novembre 2013 sans pour autant être un mordu de l’activité. J’ai passé l’examen pour accéder aux fonctions de garde particulier, chose devenue effective le 22 septembre 2015.

La forêt alsacienne

Depuis 2007, avec beaucoup de difficultés, j’ai imposé la présence de personnes formées aux premiers secours pour les battues organisées dans mon village. Il s’en est suivi de la mise en place d’une procédure d’alerte pour les accidents en milieu forestier. Je me souviens les regards assassins que certains chasseurs m’avaient lancé en prenant connaissance de la feuille de consignes de sécurité avec la procédure d’alerte. Cette initiative était inédite dans le monde très conservateur de la chasse où les accidents ne sont dus qu’à la fatalité… Les enquêtes statistiques relèvent une autre réalité beaucoup moins glorieuse : le non-respect des consignes de sécurité et l’absence de formation des permis obtenus dans les années 70-80.

Il a fallu neuf ans à l’ONF Lorraine pour simplement recommander aux équipes de chasse des forêts domaniales de mettre en place une procédure d’alerte. Ce n’est toujours pas une obligation et la recommandation n’est quasiment pas suivie sur le terrain sauf dans mon village. Au titre de l’anecdote, quelques temps après la diffusion de cette recommandation, un collègue de chasse a eu un accident domestique à l’occasion d’une journée de chasse, une chute avec fracture du fémur. Il a fallu une heure aux sapeurs-pompiers pour accéder au lieu de l’accident, qui était pourtant facilement accessible et à proximité d’une route départementale. L’organisateur de la journée de chasse n’avait pas suivi l’avis de l’ONF.

Réglementation locale oblige en Alsace-Moselle, les baux de chasse ont été renouvelés en 2015 pour une nouvelle période de neuf ans. Après 23 ans de présence au village, il était temps de voir du pays et de pratiquer l’activité dans un village voisin dans un cadre associatif avec l’obtention du poste de garde-chasse particulier. Première mesure de mon « ministère ». Définir une procédure d’alerte pour les battues de chasse avec le concours du corps des sapeurs-pompiers du village. Le chef de corps tient en exemple notre initiative dans tout le canton.

Quelques jours avant Noël 2015, j’apprends, en surfant sur Internet, l’accident du Semnoz. Un choc… Et surtout une prise de conscience qui va falloir renforcer encore plus la procédure d’alerte et la diffuser le plus possible aux autres équipes de chasse de la région.

La veuve a écrit ce message :

“Cela fait des années que je n’ai pas écrit quelque chose sur FB (NDLR : Facebook), mais aujourd’hui c’est différent, on parle de mon mari, on dit beaucoup de choses et il y a beaucoup de commentaires… C’est moi qui l’ai tenu dans mes bras pendant 15 min, la tête explosée avant que les secours n’arrivent. Je suis restée seule pendant au moins 5 min avant qu’un chasseur ne vienne à mes côtés alors que je hurlais et qu’ils se tenaient à 50 mètres de nous ! Ils ont pris le temps de se mettre d’accord sur leur version des faits.”

“C’était samedi 5 décembre, nous habitons au pied du Semnoz et pratiquons le trail depuis des années. Nous connaissons les périodes de chasse, les signaux et les règles…”

“Mais ce samedi matin, nous n’avons croisé aucune signalisation sur les chemins que nous avons empruntés.”

“Nous avons, en revanche, croisé un chasseur 100 mètres avant le tir, à qui nous avons gentiment dit bonjour, qui ne nous a pas répondu, qui nous a tourné le dos et qui ne nous a pas dit que quelques mètres plus haut se trouvaient 6-7 chasseurs (en battue ???). Nous parlions fort tous les deux, j’étais habillée en rose et bleu et le terrain était dégagé et à 10 m de la route qui monte au Semnoz. 1 min plus tard j’ai entendu un coup de feu terrible, je me suis retournée et mon mari était à terre une balle en pleine figure et la mâchoire éclatée.”

“Ce jour-là, nous avons respecté les règles, eux pas. Ce jour-là, mon mari n’a pas été victime d’un accident, il a été tué. Ce jour-là, ce sont des assassins que nous avons croisés, la chasse n’est pas un jeu. Mon mari mesurait 1,82 m, pesait 83 kg, il n’avait rien d’un sanglier. Il était beau, il avait deux petites filles, nous étions heureux…”

“Alors on fait quoi maintenant ?”

A la question de Mélanie Lavy, je réponds qu’il va falloir arrêter les conneries et se montrer responsable aux yeux des autres usagers de la nature.

Concrètement, les membres de l’association de chasse vont bénéficier d’une sensibilisation à la prévention des accidents de chasse avec la présentation d’un film, l’organisation d’une simulation d’accident de chasse avec les sapeurs-pompiers comme c’est le cas dans le Département du Bas-Rhin, la mise en place d’une descente de sécurité pendant une journée de battue pour prévenir les comportements dangereux et les réprimer dans les cas les plus graves, etc. D’autres mesures sont à l’étude depuis quelques jours. Bref une prise en compte du risque à tous les niveaux.

Nous sommes le 20 septembre, les instances fédérales de la garderie particulière dénombrent sept accidents de chasse depuis le 1er août. Pour la saison 2015-2016, il y a eu 146 accidents. Dix personnes ont trouvé la mort dont Gaël Lavy.

La France accuse vingt ans de retard dans ce domaine par rapport aux pays germanophones.

La veuve de Gaël Lavy va organiser un trail dénommé «Lavy des Cîmes » en hommage à son mari le 3 décembre prochain. (http://www.lavydescimes.com/).

C’est un combat pour le respect de la vie…

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