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Un nouveau scandale de pédophilie au sein de l’Église catholique vient d’être révélé au public, à la demande de l’Église. 547 anciens élèves d’une école catholique prestigieuse de Ratisbone (Allemagne) qui était aussi un chœur d’enfants, ont raconté avoir subi des violences physiques, corporelles et psychologiques, parmi lesquels 67 auraient aussi subi des abus sexuels, entre 1945 et 1992. Les premières dénonciations n’ont eu lieu qu’en 2010, plusieurs décennies après les faits. Pour connaître plus de détails sur cette terrible affaire, je vous renvoie aux déclarations du père Zollner, président du Centre pour la protection des mineurs de l’Université pontificale grégorienne de Rome, le père Hans Zollner, théologien et psychologue jésuite, et lui-même originaire de Ratisbonne : Le père Zollner réagit à l’affaire des abus dans le chœur de Ratisbonne.

Les questions d’abus sexuels envers des enfants au sein de l’Église ont toujours tenu à cœur au pape Benoît XVI. Quand il était encore préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il avait déjà pris des mesures pour lutter contre ces crimes et les punir. En tant que pape, il avait aussi pris de nouvelles mesures législatives, et avais eu le courage de rencontrer les victimes de pédophilie dans plusieurs pays.

Le propre frère de Benoît XVI, Mgr Georg Ratzinger, directeur du chœur durant 30 ans, est impliqué dans cette affaire. D’après le père Zollner, il lui est reproché de ne pas avoir identifié ni pris en compte les signes de malaise de la part des enfants.

Il est normal que de tels événements nous bouleversent, et peut-être qu’ils soient une épreuve contre notre foi en Dieu et notre confiance en l’Église.

Je propose de laisser Benoît XVI nous aider à trouver la bonne attitude spirituelle face à ces événements, en relisant des extraits de sa lettre sans concession aux catholiques d’Irlande, écrite le 19 mars 2010, suite à de nombreux scandales de pédophilie dans l’Église de ce pays, que nous pouvons transposer pour toute l’Église :

Lettre pastorale du saint-père Benoît XVI aux catholiques d’Irlande

Sommaire de la lettre :

Aux victimes d’abus et à leurs familles
Aux prêtres et aux religieux qui ont abusé des enfants
Aux parents

Aux enfants et aux jeunes d’Irlande
Aux prêtres et aux religieux d’Irlande
À mes frères évêques
À tous les fidèles d’Irlande

1. Chers frères et sœurs de l’Église en Irlande, c’est avec une profonde préoccupation que je vous écris en tant que Pasteur de l’Église universelle. Comme vous, j’ai été profondément bouleversé par les nouvelles apparues concernant l’abus d’enfants et de jeunes vulnérables par des membres de l’Église en Irlande, en particulier par des prêtres et des religieux. Je ne peux que partager le désarroi et le sentiment de trahison que nombre d’entre vous ont ressentis en prenant connaissance de ces actes scandaleux et criminels et de la façon dont les autorités de l’Église en Irlande les ont affrontés.

Comme vous le savez, j’ai récemment invité les évêques irlandais à une rencontre ici, à Rome, pour rendre compte de la façon dont ils ont affronté ces questions par le passé et présenter les mesures qu’ils ont prises pour répondre à cette grave situation. […]

2. Pour ma part, compte tenu de la gravité de ces fautes, et de la réponse souvent inadéquate qui leur a été réservée de la part des autorités ecclésiastiques dans votre pays, j’ai décidé d’écrire cette Lettre pastorale pour vous exprimer ma proximité et vous proposer un chemin de guérison, de renouveau et de réparation.

En réalité, comme de nombreuses personnes dans votre pays l’ont observé, le problème de l’abus des mineurs n’est pas propre à l’Irlande, ni à l’Église. Toutefois, le devoir qui se présente désormais à vous est celui d’affronter le problème des abus qui ont lieu au sein de la communauté catholique irlandaise et de le faire avec courage et détermination. Personne ne peut imaginer que cette situation douloureuse sera résolue dans de brefs délais. Des progrès positifs ont été accomplis, mais il reste encore beaucoup à faire. La persévérance et la prière sont nécessaires, ainsi qu’une grande confiance dans la force de guérison de la grâce de Dieu.

Dans le même temps, je dois également exprimer ma conviction que, pour se reprendre de cette blessure douloureuse, l’Église qui est en Irlande doit en premier lieu reconnaître devant le Seigneur et devant les autres, les graves péchés commis contre des enfants sans défense. Une telle reconnaissance, accompagnée par une douleur sincère pour les préjudices portés à ces victimes et à leurs familles, doit conduire à un effort concerté afin d’assurer la protection des enfants contre de tels crimes à l’avenir.

Tandis que vous affrontez les défis de ce moment, je vous demande de vous rappeler du « rocher d’où l’on vous a taillés » (Is 51, 1). Réfléchissez aux contributions généreuses, souvent héroïques, offertes à l’Église et à l’humanité tout entière par les générations passées d’hommes et de femmes irlandais, et faites en sorte que cela constitue un élan pour un examen de conscience honnête et un programme de renouveau ecclésial et personnel convaincu. Je prie pour que, assistée par l’intercession de ses nombreux saints et purifiée par la pénitence, l’Église en Irlande surmonte la crise présente et redevienne un témoin convaincu de la vérité et de la bonté de Dieu tout-puissant, manifestées dans son Fils Jésus Christ. […]

4. […] Ce n’est qu’en examinant avec attention les nombreux éléments qui ont donné naissance à la crise actuelle qu’il est possible d’entreprendre un diagnostic clair de ses causes et de trouver des remèdes efficaces. Il est certain que parmi les facteurs qui y ont contribué, nous pouvons citer: des procédures inadéquates pour déterminer l’aptitude des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse; une formation humaine, morale, intellectuelle et spirituelle insuffisante dans les séminaires et les noviciats; une tendance dans la société à favoriser le clergé et d’autres figures d’autorité, ainsi qu’une préoccupation déplacée pour la réputation de l’Église et pour éviter les scandales, qui a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne. Il faut agir avec urgence pour affronter ces facteurs, qui ont eu des conséquences si tragiques pour les vies des victimes et de leurs familles et qui ont assombri la lumière de l’Evangile à un degré que pas même des siècles de persécution ne sont parvenus à atteindre.

5. En plusieurs occasions depuis mon élection au Siège de Pierre, j’ai rencontré des victimes d’abus sexuels, et je suis disposé à le refaire à l’avenir. Je me suis arrêté pour parler avec eux, j’ai écouté leurs récits, j’ai pris acte de leur souffrance, j’ai prié avec eux et pour eux. Auparavant, au cours de mon pontificat, soucieux d’affronter ce thème, j’avais demandé aux évêques d’Irlande, à l’occasion de leur visite ad limina de 2006, d’« établir la vérité sur ce qui est arrivé par le passé, de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise à l’avenir, d’assurer que les principes de justice soient pleinement respectés et, surtout, de soutenir les victimes et tous ceux qui sont victimes de ces crimes monstrueux » (Discours aux évêques d’Irlande, 28 octobre 2006).

Avec cette Lettre, mon intention est de vous exhorter tous, en tant que peuple de Dieu qui est en Irlande, à réfléchir sur les blessures infligées au Corps du Christ, sur les remèdes, parfois douloureux, nécessaires pour les panser et les guérir, et sur le besoin d’unité, de charité et d’aide réciproque dans le long processus de reprise et de renouveau ecclésial. Je m’adresse à présent à vous avec des paroles qui me viennent du cœur, et je désire parler à chacun de vous individuellement et à vous tous en tant que frères et sœurs dans le Seigneur.

6. Aux victimes d’abus et à leurs familles

Vous avez terriblement souffert et j’en suis profondément désolé. Je sais que rien ne peut effacer le mal que vous avez subi. Votre confiance a été trahie, et votre dignité a été violée. Beaucoup d’entre vous, alors que vous étiez suffisamment courageux pour parler de ce qui vous était arrivé, ont fait l’expérience que personne ne vous écoutait. Ceux d’entre vous qui ont subi des abus dans les collèges doivent avoir eu l’impression qu’il n’y avait aucun moyen d’échapper à leur souffrance. Il est compréhensible que vous trouviez difficile de pardonner ou de vous réconcilier avec l’Église. En son nom, je vous exprime ouvertement la honte et le remord que nous éprouvons tous. Dans le même temps, je vous demande de ne pas perdre l’espérance. C’est dans la communion de l’Église que nous rencontrons la personne de Jésus Christ, lui-même victime de l’injustice et du péché. Comme vous, il porte encore les blessures de sa souffrance injuste. Il comprend la profondeur de votre peine et la persistance de son effet dans vos vies et dans vos relations avec les autres, y compris vos relations avec l’Église. Je sais que certains d’entre vous trouvent également difficile d’entrer dans une église après ce qui s’est passé. Toutefois, les blessures mêmes du Christ, transformées par ses souffrances rédemptrices, sont les instruments grâce auxquels le pouvoir du mal s’est brisé et nous renaissons à la vie et à l’espérance. Je crois fermement dans le pouvoir de guérison de son amour sacrificiel — également dans les situations les plus sombres et sans espérance — qui apporte la libération et la promesse d’un nouveau départ.

En m’adressant à vous comme pasteur, préoccupé par le bien de tous les fils de Dieu, je vous demande avec humilité de réfléchir sur ce que je vous ai dit. Je prie afin que, en vous approchant du Christ et en participant à la vie de son Église — une Église purifiée par la pénitence et renouvelée dans la charité pastorale — vous puissiez redécouvrir l’amour infini du Christ pour chacun de vous. Je suis confiant dans le fait que, de cette manière, vous serez capables de trouver la réconciliation, une guérison intérieure profonde et la paix.

7. Aux prêtres et aux religieux qui ont abusé des enfants

Vous avez trahi la confiance placée en vous par de jeunes innocents et par leurs parents. Vous devez répondre de cela devant Dieu tout-puissant, ainsi que devant les tribunaux constitués à cet effet. Vous avez perdu l’estime des personnes en Irlande et jeté la honte et le déshonneur sur vos confrères. Ceux d’entre vous qui sont prêtres ont violé la sainteté du sacrement de l’Ordre sacré, dans lequel le Christ se rend présent en nous et dans nos actions. En même temps que le dommage immense causé aux victimes, un grand dommage a été perpétré contre l’Église et la perception publique du sacerdoce et de la vie religieuse.

Je vous exhorte à examiner votre conscience, à assumer la responsabilité des péchés que vous avez commis et à exprimer avec humilité votre regret. Le repentir sincère ouvre la porte au pardon de Dieu et à la grâce du véritable rachat. En offrant des prières et des pénitences pour ceux que vous avez offensés, vous devez chercher à faire personnellement amende pour vos actions. Le sacrifice rédempteur du Christ a le pouvoir de pardonner même le plus grave des péchés et de tirer le bien également du plus terrible des maux. Dans le même temps, la justice de Dieu exige que nous rendions compte de nos actions sans rien cacher. Reconnaissez ouvertement vos fautes, soumettez-vous aux exigences de la justice, mais ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu.

[…]

10. Aux prêtres et aux religieux d’Irlande

Nous souffrons tous à la suite des péchés de nos confrères qui ont trahi une consigne sacrée ou qui n’ont pas affronté de manière juste et responsable les accusations d’abus. Face à l’outrage et à l’indignation que cela a provoqué, non seulement parmi les laïcs mais également parmi vous et vos communautés religieuses, un grand nombre d’entre vous se sentent personnellement découragés et même abandonnés. En outre, je suis conscient qu’aux yeux de certains vous apparaissez coupables par association, et que vous êtes vus comme si vous étiez en quelque sorte responsables des méfaits d’autres personnes. En ce temps de souffrance, je veux rendre acte du dévouement de votre vie de prêtres et de religieux et de vos apostolats, et je vous invite à réaffirmer votre foi en Christ, votre amour envers son Eglise et votre confiance dans la promesse de rédemption, de pardon et de renouveau intérieur de l’Évangile. De cette manière, vous démontrerez à tous que, là où le péché abonde, la grâce surabonde (cf. Rm 5, 20).

Je sais qu’un grand nombre d’entre vous sont déçus, déconcertés et fâchés pour la manière dont ces questions ont été affrontées par certains de vos supérieurs. Malgré cela, il est essentiel que vous collaboriez de près avec ceux qui représentent l’autorité et que vous vous prodiguiez pour faire en sorte que les mesures adoptées pour répondre à la crise soient vraiment évangéliques, justes et efficaces. Je vous exhorte en particulier à devenir de manière toujours plus claire des hommes et des femmes de prière, en suivant avec courage la voie de la conversion, de la purification et de la réconciliation. De cette manière, l’Église en Irlande tirera une nouvelle vie et vitalité de votre témoignage au pouvoir rédempteur du Seigneur rendu visible dans votre vie.

11. À mes frères évêques

On ne peut pas nier que certains d’entre vous et de vos prédécesseurs ont manqué, parfois gravement, dans l’application des normes du droit canonique codifiées depuis longtemps en ce qui concerne les crimes d’abus sur les enfants. De graves erreurs furent commises en traitant les accusations. Je comprends combien il était difficile de saisir l’étendue et la complexité du problème, d’obtenir des informations fiables et de prendre des décisions justes à la lumière de conseils divergents d’experts. Malgré cela, il faut admettre que de graves erreurs de jugement furent commises et que des manquements dans le gouvernement ont eu lieu. Tout cela a sérieusement miné votre crédibilité et efficacité. J’apprécie les efforts que vous avez accomplis pour porter remède aux erreurs du passé et pour assurer qu’elles ne se répètent pas. Outre à mettre pleinement en œuvre les normes du droit canonique en affrontant les cas d’abus sur les enfants, continuez à coopérer avec les autorités civiles dans le domaine de leur compétence. Les supérieurs religieux doivent clairement en faire tout autant.[…]

12. À tous les fidèles d’Irlande

L’expérience qu’un jeune fait de l’Église devrait toujours porter du fruit dans une rencontre personnelle et vivifiante avec Jésus Christ dans une communauté qui aime et qui offre une nourriture. Dans ce domaine, les jeunes doivent être encouragés à croître jusqu’à leur pleine stature humaine et spirituelle, à aspirer aux idéaux élevés de sainteté, de charité et de vérité et à tirer inspiration des richesses d’une grande tradition religieuse et culturelle. Dans notre société toujours plus sécularisée, dans laquelle nous aussi chrétiens nous trouvons difficile de parler de la dimension transcendante de notre existence, nous avons besoin de trouver de nouveaux chemins pour transmettre aux jeunes la beauté et la richesse de l’amitié avec Jésus Christ dans la communion de son Église. En affrontant la crise présente, les mesures pour faire face de manière juste aux crimes individuels sont essentielles, toutefois elles ne suffisent : il faut une nouvelle vision pour inspirer la génération présente et les générations futures à tirer profit du don de notre foi commune. En marchant sur la voie indiquée par l’Évangile, en observant les commandements et en conformant votre vie de manière toujours plus proche à la personne de Jésus Christ, vous ferez l’expérience du renouveau profond dont il y a aujourd’hui un besoin si urgent. Je vous invite tous à persévérer le long de ce chemin. […]

14. Je souhaite vous proposer des initiatives concrètes pour affronter la situation.

Au terme de ma rencontre avec les évêques d’Irlande, j’ai demandé que le carême de cette année soit considéré comme un temps de prière pour une effusion de la miséricorde de Dieu et des dons de sainteté et de force de l’Esprit Saint sur l’Église dans votre pays. Je vous invite tous à présent à consacrer vos pénitences du vendredi, pendant une année entière, d’aujourd’hui jusqu’à la Pâque 2011, à cette fin. Je vous demande d’offrir votre jeûne, votre prière, votre lecture de la Sainte Écriture et vos œuvres de miséricorde pour obtenir la grâce de la guérison et du renouveau pour l’Église qui est en Irlande. Je vous encourage à redécouvrir le sacrement de la Réconciliation et à recourir plus fréquemment à la force transformatrice de sa grâce.

Une attention particulière devra aussi être réservée à l’adoration eucharistique, et dans chaque diocèse, il devra y avoir des églises ou des chapelles spécifiquement réservées à cette fin. Je demande que les paroisses, les séminaires, les maisons religieuses et les monastères organisent des temps d’adoration eucharistique, de manière à ce que tous aient la possibilité d’y prendre part. A travers la prière fervente face à la présence réelle du Seigneur, vous pouvez accomplir la réparation pour les péchés d’abus qui ont fait tant de mal, et dans le même temps implorer la grâce d’une force renouvelée et d’un sens plus profond de la mission de la part de tous les évêques, les prêtres, les religieux et les fidèles.

Je suis confiant dans le fait que ce programme conduira à une renaissance de l’Église en Irlande, dans la plénitude de la vérité même de Dieu, car c’est la vérité qui nous rend libres (cf. Jn 8, 32).

[…]

Voir aussi : Abus sexuels : une grande crise de plus au cours de 2000 ans d’histoire de l’Église

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