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15 martyrs du Laos
Les 15 martyrs du Laos

L’Agence d’information des Missions Étrangères de Paris (MEP) informe que dix martyrs Français, tous tués par la guérilla communiste au cours de leur mission au Laos entre 1954 et 1969, ont été déclarés bienheureux le 11 décembre 2016, en même temps que six Laotiens et un Italien.

« Dimanche 11 décembre, 3e dimanche de l’Avent, il n’y a eu qu’une seule et unique messe célébrée dans tout le Laos. Les quatre évêques et les 21 prêtres que compte cette petite Église catholique étaient tous regroupés à Vientiane, où, dans l’église du Sacré-Cœur, l’unique lieu de culte catholique de la capitale, ils ont célébré, en présence de près de 6 000 fidèles et d’une dizaine de prélats étrangers, la béatification de 17 martyrs. »

Pourquoi risquer sa vie pour l’amour de Dieu aujourd’hui ?

Ces béatifications sont une occasion de méditation et de contemplation : pourquoi ces hommes ont-ils choisis d’aller annoncer Jésus au bout du monde, dans un petit pays inconnu, reculé et très pauvre, sachant sans le moindre doute qu’ils risquaient leur vie ? Quel genre d’amour pouvaient-ils avoir dans le cœur pour choisir une vie aussi aventureuse et périlleuse ?

Saint Paul nous dit : « L’amour du Christ nous presse » (2 Corinthiens 5, 14). On peut l’entendre au sens de : « c’est l’amour que nous avons pour Jésus qui nous presse d’aller l’annoncer » mais aussi : « Jésus, qui a un si grand amour pour chaque être humain, nous presse d’aller l’annoncer ».

Ces hommes ont été saisis par l’amour de Jésus. Aucun d’entre eux n’a choisi le pays où ils ont été envoyés. À l’époque, c’était un voyage sans retour, ils savaient qu’ils ne reverraient probablement pas leur famille. L’envoi au Laos, dès lors que la guérilla communiste commençait à se propager, incluait la possibilité du martyr. Et pourtant ces hommes n’ont pas reculé. Ils ont reconnu, au fond de leur cœur, l’amour de Jésus, et ils ont voulu le partager avec les populations du Laos, pays à dominante montagneuse enclavé entre de puissants voisins, la Chine, la Thaïlande et le Vietnam.

Ces hommes ont voulus apporter Jésus à ces populations du Laos. Ils ont voulu se mettre à leur service, non seulement par la parole mais aussi par l’action, bâtissant inlassablement écoles, hôpitaux et églises, leur apprenant à exploiter les ressources naturelles, totalement donnés à leur mission. Ils leur ont apporté Jésus miséricordieux en leur annonçant qu’ils étaient aimés, et en leur montrant concrètement cet amour par leurs bras, leur intelligence, leur patience, leur bonté, leur écoute, leur passion de fonder, faire grandir, accompagner les germes de foi et de progrès humain. Ils ont été littéralement Jésus pour eux. Par eux, les Laotiens voyaient qui était ce Dieu d’amour dont ils parlaient. Ils ont vu l’amour de Jésus en croix en voyant ces missionnaires tomber sous les balles plutôt que de les abandonner.

Quels exemples pour nous chrétiens et pour le monde ! Le monde se plaît à admirer ceux qui se dévouent sans compter au service des pauvres. L’Église est souvent vue comme éloignée des préoccupations et des misères des gens, hautaine et moralisatrice. En ces hommes, en ces prêtres, nous voyons l’exact opposé. Il faut faire connnaître ces hommes qui ont servi dans l’anonymat le plus complet, loin de tout, et qui de surcroît risquaient délibéremment leur vie par amour de leurs frères !

Quel espérance pour l’Église de France ?

Pour l’Église catholique qui est en France, ces martyrs sont un motif de fierté : ces bienheureux sont nés tout près de nous, dans nos villes et villages, ils ont grandi et se sont formés ici, sur cette vieille terre chrétienne. Leur histoire n’est pas si ancienne : ce sont des hommes du XXe siècle. Tous les catholiques français peuvent se sentir heureux et fiers de ces hommes, et en même temps sentir la belle responsabilité qu’ils portent d’être fidèles au témoignage que ces martyrs ont rendu à la face des hommes.

Demandons à ces martyrs de prier pour nous, de nous donner ce cœur brûlant qui leur a permis de toujours dire oui quel que soit le prix à payer, parce qu’ils savaient qu’être riche de Dieu dépasse infiniment toute richesse en ce monde.

Qui sont les martyrs français ?

Le Père Louis Leroy, Oblat de Marie Immaculée, (1923-1961) est né le 8 octobre 1923 à Ducey, dans le diocèse de Coutances en Normandie. Ordonné prêtre le 4 juillet 1954, il est envoyé à la Mission du Laos. Inlassablement, il visite les villages qui lui sont confiés, à des heures de marche autour de sa résidence de Ban Pha. Devant l’arrivée des troupes communistes, il refuse avec opiniâtreté de quitter son poste. Le 18 avril 1961, un détachement vient le chercher. Demandant d’enfiler sa soutane, de prendre sa croix et son bréviaire, il suit les soldats. Il est abattu dans la forêt voisine de sa ville.

Le Père Jean-Baptiste Malo, MEP (1899-1954) est né le 2 juin 1899 à La Grigonnais, dans le diocèse de Nantes, dans les Pays de Loire. Il est d’une famille de petits paysans. Ordonné prêtre le 1er juillet 1934, il est envoyé en mission à Lanlong (Anlong, Guizhou), en Chine. Le 27 novembre 1952, il rejoint son nouveau champ d’apostolat : la mission de Thakhek, au Laos. Arrêté suite à l’avancée du Viêt-Minh, il meurt de faim et d’épuisement au cours de la marche vers un camp de concentration.

Le Père René Dubroux, MEP (1914-1959) est né le 28 novembre 1914 à Haroué, dans le diocèse de Nancy, en Lorraine. Le 30 octobre 1943, René Dubroux est admis dans la Société des Missions Étrangères de Paris, et bientôt destiné à la Mission de Thakhek au Laos. En 1957, il est chargé du district de Nongkhène près de Paksé. En décembre 1959, il est abattu à bout portant par la guérilla près de sa chapelle.

Le Père Michel Coquelet, OMI (1931-1961) est né le 18 août 1931 à Wignehies, dans l’archidiocèse de Cambrai, dans le Nord. En tournée au service des malades, les soldats de la rébellion communiste lui tendent un guet-apens à Ban Sop Xieng. Il est abattu au bord de la route.

Le Père Noël Tenaud, MEP (1904-1961) est né le 11 novembre 1904 à Rocheservière, dans le diocèse de Luçon en Vendée. Basé à Xépone, près de la frontière du Vietnam, avec son fidèle catéchiste Joseph Outhay, il prospecte les villages tout au long de la route qui monte de Savannakhet. En avril 1961, les deux apôtres partent en tournée apostolique. On les avertit qu’une attaque nord-vietnamienne se prépare. Le chemin du retour est coupé : ils sont pris au piège par la guérilla, arrêtés, interrogés et abattus.

Le Père Vincent L’Hénoret, OMI (1921-1961) né le 12 mars 1921 à Pont l’Abbé, dans le diocèse de Quimper en Bretagne. À Ban Ban, son apostolat est surtout auprès des réfugiés thaï-deng. Le jour de l’Ascension au petit matin, il circule à bicyclette pour assurer l’Eucharistie. Un poste de la guérilla contrôle son laissez-passer, qui est en règle, puis l’abat d’une rafale dans le dos.

Le Père Marcel Denis, MEP (1919-1961) né le 7 août 1919 à Alençon, où est également née sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dans le diocèse de Séez en Normandie. Ordonné prêtre le 22 avril 1945, il part en 1946 pour la Mission du Laos. À partir de 1954, il est envoyé vers les zones intérieures du Khammouane. Il s’établit à Maha Prom. En 1961, il est arrêté et emmené en détention vers le Vietnam. Personne ne l’a plus jamais revu. Sa mort aux mains de la guérilla est attestée par des témoignages concordants.

Le Père Jean Wauthier, OMI (1926-1967) né le 22 mars 1926 à Fourmies, dans l’archidiocèse de Cambrai, dans le Nord. Ordonné prêtre le 17 février 1952, il rejoint en octobre la mission du Laos. Le Père Wauthier est mis sans tarder au service de la mission chez les plus pauvres, les Kmhmu’. Le 16 décembre 1967 dans la nuit, sous le couvert d’une attaque simulée de la guérilla, il est abattu de trois coups de feu en pleine poitrine.

Le Père Lucien Galan, MEP (1921-1968) né le 9 décembre 1921 à Golinhac, dans le diocèse de Rodez, dans l’Aveyron. En février 1960, il prend la relève du Père Dubroux, assassiné (voir ci-dessus), dans la zone limitrophe entre forces laotiennes rivales. En mai, il prend la route pour une célébration au Km-15 de Paksé. Mais la guérilla a dressé une embuscade : la voiture est prise sous le feu d’armes lourdes. Le Père Galan est blessé et achevé au poignard.

Le Père Joseph Boissel, OMI (1909-1969) naît le 20 décembre 1909 dans une famille de petits fermiers, au Loroux dans l’archidiocèse de Rennes en Bretagne. Ordonné prêtre le 4 juillet 1937, il reçoit l’année suivante sa feuille de route pour la jeune Mission du Laos. En novembre 1957, il est dans le district missionnaire de Paksane, curé de Nong Veng puis de Lak Si. Le samedi 5 juillet 1969, le P. Boissel s’en va assurer le service à Hat I-Êt. A la sortie d’un virage, le Viêt Minh le guette : il est abattu par une rafale de mitrailleuse.

Les autres martyrs et le Laos

Les bienheureux martyrs laotiens sont Joseph Thao Tiến, Paul Thoj Xyooj, Joseph Outhay, Luc Sy et Maisam. Le Père Mario Borzaga était originaire du diocèse de Trente en Italie du Nord. Il avait écrit dans son journal : « Moi aussi, j´ai été choisi pour le martyre ». Dieu l’a exaucé alors qu’il n’avait que 27 ans.

Le Père Mario Borzaga, martyr à 27 ans
Laos en Asie

Le Laos est un petit pays du Sud-Est asiatique peuplé d’un peu plus de 6 millions d’habitants, voisin du Myanmar (ou Birmanie), de la Chine, du Vietnam, du Cambodge et de la Thaïlande. C’est l’un des cinq derniers pays communistes du monde, avec la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord et Cuba. C’est aussi l’un des pays les plus pauvres du monde.

À noter pour conclure : à la fin de la célébration et « au grand étonnement de l’assemblée », ainsi que le rapporte le Père Roland Jacques, OMI et vice-postulateur de la cause des 17 martyrs, le directeur adjoint du Front Lao pour l’édification de la nation, organisme d’État placé sous la direction du Parti communiste et du ministère de l’Intérieur qui chapeaute les religions, a fait longuement l’éloge de la doctrine et de l’action de l’Église catholique au Laos. Le responsable politique est allé jusqu’à développer les termes mis en avant par le pape François, disant tout ce que la nation attendait de cette Église pour le bien commun.

Cette intervention est d’autant plus déconcertante que le gouvernement communiste du Laos continue activement de persécuter les religions en général et les chrétiens en particulier, en restreignant l’action de l’Église, par exemple en entravant le développement des vocations sacerdotales. Ce responsable politique a-t-il été touché par la grâce au cours de son intervention ?

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